Rise of the Tomb Raider: les jeux vidéo sont-ils trop codifiés?

Avez-vous déjà ressenti l’impression que vous pouviez anticiper ce qu’on attendrait de vous dans un jeu? Certes, dans un Tetris, ce n’est pas très surprenant. Mais dans un blockbuster qui se gausse de raconter une histoire, c’est un peu plus dérangeant…

Ça y est, je viens de terminer Rise of the Tomb Raider! Oui, je sais, j’ai 3 ans de retard, mais il fallait bien que je m’y colle avant la sortie de Shadow of the Tomb Raider le 14 Septembre 2018. Enfin, après ce que je viens de finir, c’est pas certain que je me lance dans le prochain opus.

Taisez-vous et jouez

A mon sens, Rise of the Tomb Raider est un cas d’école, celui du jeu qui est fait pour raconter une histoire, et rien de plus. Vous croyez être dans un open world parce que c’est dans la nature? Nope. Impossible d’escalader le moindre rocher qui n’est pas dans la trajectoire prévue. Vous croyez qu’il s’agit d’un metroidvania parce qu’on revient en arrière? Nope. Le backtracking, en plus de ne pas être obligatoire, ne donne accès à aucune nouvelle zone. Vous pensez qu’on va vous mettre à l’épreuve? Vous êtes mignons…

Allez, on avance du coup. Sur un chemin ultra délimité, parsemé de cinématiques à l’utilité parfois douteuse.

1.Dieu que c’est chiant

vallée geothermique défi des poules
Sérieusement… on est pas dans Zelda là…

Mis à part le complexe soviétique, qui a une taille honorable, les zones de la carte vous font bien comprendre que vous n’allez pas vous attarder longtemps. Malgré cela, le jeu désespère de vous faire rester quelques minutes de plus, avec des défis à accomplir dans chaque zone. Quand j’ai vu qu’un défi consistait à ramasser des poules, j’ai couru, sans me retourner, vers la fin du jeu.

 

2.Lorsqu’on joue le jeu, il devient trop facile

J’ai été assez surpris de constater que lorsqu’on fait ce que le jeu nous propose, il perd alors toute sa difficulté. Je m’explique.

Quand je joue à un jeu qui propose un arbre de compétences et un système d’XP, je débloque systématiquement en premier les compétences qui font gagner de l’XP supplémentaire (question de principe, et surtout, de logique). Résultat: j’ai terminé Rise of the Tomb Raider avec TOUTES les compétences débloquées, sans forcer. En utilisant simplement la vision spéciale et en lisant les éléments de scénario (enregistreurs audio et dossiers disséminés çà et là), vous gagnez, avec la compétence “Soif de connaissance”, bien plus d’XP qu’il n’en faudrait. Inutile de dire que le niveau final n’a été qu’une simple formalité, malgré la quantité d’ennemis.

3.Les conventions graphiques rendent le jeu débile

rotr-escalade-bois
Tout ce qui est en blanc peut s’escalader à mains nues.

Ben oui, évidemment. Quand on ne permet pas au joueur d’avoir une certaine liberté d’action, on est obligés de le prendre par la main, sous peine de le voir sauter comme un abruti contre les murs pour savoir s’il peut escalader ou pas!

Donc, on ajoute des règles. De conventions graphiques, le jeu en est gavé. Les planches en blanc c’est à escalader à mains nues, la glace ou la pierre qui a un relief bizarre, c’est pour le piolet. Ah, tiens, y a des planches de bois maintenant. Fort heureusement, je viens d’apprendre à planter des flèches d’escalade, quelle coïncidence!

On est presque au niveau d’un jeu pour bébés, vous savez, celui avec les formes…

Développeur, es-tu là?

Je vous l’avoue, Rise of the Tomb Raider ne fut pas une expérience passionnante, (surtout sur la fin) mais elle a eu le mérite de soulever des questions bien plus profondes qu’un simple regard sur un énième blockbuster.

Il y a un problème avec la façon dont nous créons et consommons les jeux vidéo aujourd’hui. De la même manière qu’on sait comment joue son équipier à la belote, les gamers passionnés de notre génération savent de plus en plus comment les développeurs conçoivent les jeux:

  • nous savons à l’avance que ce petit couloir cache un piège que le dev’ a dû prendre plaisir à placer
  • nous savons à l’avance qu’avant un boss il y aura de quoi se restaurer
  • nous savons à l’avance qu’en errant quelques minutes dans un jeu scripté, nous allons recevoir un indice.

Notre capacité à reconnaître ces conventions et à nous projeter dans la situation du concepteur remet en question une grande partie de l’expérience de jeu. Les rôlistes doivent déjà comprendre de quoi je parle ici (un Maître du Jeu prévisible, c’est assez lassant).

Conventions et déterminisme

A force de prendre en compte ces conventions dans notre expérience de jeu, nous en devenons déterministes. Nous pressentons que si un objet a été placé à un endroit dans un jeu, c’est souvent parce que cela a du sens pour son créateur. Mais n’allons-nous pas trop loin? Cela est-il vraiment dans l’intérêt de notre expérience de jeu?

Lorsque je me permets de jouer comme un bourrin, parce que je pressens que je trouverai toujours du soin un peu plus loin, ne suis-je pas privé d’un vrai suspense? Lorsque j’attends un indice parce que je suis lassé de chercher, ai-je vraiment fait assez d’efforts?

Je pense qu’il est temps d’être plus exigeant envers les jeux que nous consommons. Bien plus encore, je pense qu’il est temps de demander aux jeux d’être plus exigeants envers les joueurs.

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